GRAND RAID DES PYRENEES Août 2012
Arrivés à Vieille-Aure station de trail, Pyrénées nous voilà
à pied d’œuvre !
Presque un an après la CCC le team Montroc au complet
(presque … François et Manou font une pause et Christophe a basculé du côté obscur se consacrant au triathlon)
associé à l’AS SFR, représentée par Seb T. et moi même, s’aligne au départ du
Grand Raid des Pyrénées : 160 km, 10 000 m de D+ et donc autant de
D-.
La déception du recalage au tirage au sort de l’UTMB vite
avalée nous avions opté pour sa cousine des Pyrénées considérée comme plus
sauvage. Option payante compte tenu des conditions cataclysmiques qui
accompagnèrent le 10ème anniversaire de l’UTMB la semaine suivante,
obligeant les organisateurs à rabioter la course.
La reconnaissance du parcours faite début août, en guise
d’apéritif, sous le parrainage de Jacques, m’avait mis l’eau à la bouche même
si le brouillard et l’absence de balisage rendaient l’orientation parfois
difficile. J’étais conquis par la diversité des paysages d’une vallée à
l’autre, la succession de points de vue pittoresques, les effluves émanant des
rochers et de la flore au lever du soleil et ces chemins où la plupart des
randonneurs évoluent sur des sabots.
Donc nous sommes à pied d’œuvre, jeudi après avoir récupéré nos dossards et paniers garnis, fait nos dernières emplettes, profité des soins des ostéopathes (oui là, un peu plus à gauche, …outch !) et préparé les sacs à laisser aux deux bases vie qui ponctuent le parcours, nous arrivons au briefing. Après les consignes d’usage le staff nous annonce deux nouvelles : une bonne ( ?), le départ est décalé de 5 à 7 heures et une moins bonne, les barrières horaires sont inchangées et il faut être au col de Sencours avant 15H pour monter au Pic du midi.
Cela modifie un peu la stratégie de course : nous
avions initialement prévu de profiter de ce début de parcours plus technique et
accidenté pour monter doucement en puissance, il va falloir donner du rythme un
peu plus tôt.
Vendredi matin : préparation, dégustation de gatosport, Nok, …
Nous sommes si prêts du point de départ que nous avons failli manquer le coup d’envoi et nous parvenons en jouant des coudes à faire pointer nos dossards quelques secondes seulement avant que le flot des coureurs ne s’élance.
Après le col de Portet qui domine une partie des pistes de
St Lary (et notamment la fameuse Mirabelle, du nom de Mademoiselle Mir
championne olympique) nous descendons vers le 1er ravitaillement et
profitons des spécialités locales.
Nous repartons droit dans la pente en suivant le tire-fesse pour surplomber le Lac de l’Oule et rejoindre le vallon du bastanet.
Beaucoup de cailloux … le chemin serpente entre de gros blocs clairsemés de bosquets de pins et longe des laquets aux eaux turquoises, sous un soleil qui commence à peser. Certainement pas la partie la plus roulante pourtant il faut garder le rythme pour parvenir avant 15H au col de Sencours
Le soleil au zénith, les nombreux concurrents et la foule venue encourager les coureurs, c’est un peu la pagaïe sur ce petit point de ravito.
Le début de la course a laissé des traces et nous repartons, Sébastien, Olivier et moi, pour près de 1700 m de D+ avec un peu d’appréhension. Arnaud et Christian ont préféré garder un rythme plus sage et ont fait une croix sur le Pic du Midi.
Cela commence très fort par 20 bonnes minutes de montée
quasiment droit dans la pente le long de la cascade. Certes c’est en sous-bois
et l’air est rafraichi par la proximité de la chute d’eau mais la pente est
rude, ça pique ! On atteint les cabanes de Tramezaygues pour longer la
rivière et la pente s’atténue, cela grimpe doucement mais sûrement. Je regarde
le chrono et accélère pour ne pas louper le rdv de 15 h et pouvoir monter au
Pic.
Le chemin fait des tours et détours, passe par des plateaux intermédiaires et semble ne jamais devoir atteindre le col qui se cache tout au fond du vallon sur la gauche. Outch ! les derniers lacets dans la rocaille sont durs. Arrivé le premier et salué par Jacques (un des organisateurs qui a eu la gentillesse de m’assister pour la reconnaissance du parcours) je rejoins la cabane, balayée par des vents violents. J’en profite pour panser les deux petites ampoules qui commencent à poindre. Olivier me rejoint et on décide d’attendre Seb avant de monter au Pic ; le temps passe 10, 15 minutes …
Toujours pas de Seb dans les concurrents croisés alors que
nous redescendons vers le col de Sencours. Nous attendons une vingtaine de
minutes avant de reprendre le chemin en supposant qu’il a zappé le col et sans
réseau impossible d’en savoir plus. Une dizaine de minutes plus tard nous
rejoignons Christian et poursuivons avec lui sur un chemin en balcon bien tracé
et nous passons le col de la Bonida sans y prêter attention, nous empruntons un
vallon et la montée se fait progressivement plus rude pour finir par une série
de lacets courts dans les pierres vers le col d’Aoube. A mi- pente j’aperçois
en contrebas une silhouette familière en rouge et blanc, le Séb ! Nous nous sommes donc
croisés au moins deux fois en terrain découvert entre le col de Sencours et le
pic du midi sans nous voir, nos facultés sont déjà bien émoussées … Bien la
triplette est recomposée. S’agit de pas mollir l’heure tourne et notre petite
virée nous a mis limite par rapport aux barrières horaires.
on part vers la montée pensant qu’il est encore en route pour le col. D’autres concurrents ont choisi et attendent quelques dizaines de m avant le col l’heure limite fixée par l’organisation, préférant poursuivre sans passer par le Pic, malgré les 2 ou 3 heures de pénalités prévues. Après une route large taillée dans la roche, nous attaquons péniblement le raidillon de roches empilées qui mène jusqu’au sommet. La vue à 360° est à couper le souffle. Nous sommes au premier quart de la course et le rythme donné pour tenir la barrière horaire a laissé des traces. Bien marqués, les 120 km restants nous laissent songeurs. Enfin, chaque chose en son temps nous profiterons de la descente plutôt douce après le col pour se refaire la cerise …
Nous redescendons tranquillement vers le splendide lac Bleu. Je me réfère aux photos et à ma reconnaissance parce que pour l’instant c’est purée de pois. Nous contournons le lac puis c’est une montée sèche (300 D+) vers le col de Bareilles suivie d’une vilaine descente (500 D-) raide et toute en éboulis.
La journée s’achève à peine et quelques concurrents sont bien touchés : chutes, gros coup de fatigue et problèmes gastriques. La chaleur et la réduction des barrières horaires n’y sont pas étrangères.
Dans le brouillard, la nuit s’installe progressivement sous
l’effet de l’humidité et de la fatigue vient le froid, on est dans le dur et
pas mécontents d’arriver à Hautacam à 21H, une heure avant la barrière horaire.
On fait le plein et repartons pour 9 km de descente flanqué
d’un nouvel équipier qui n’a plus de frontale ( c’est bête la nuit vient
de tomber!), un jeune militaire. Ils sont quatre, dont un gradé, à avoir choisi
à l’occasion d’un pari de débuter en trail par le GRP- No comment ! - En
attendant X est plutôt en forme et a de multiples sujets de discussion en
réserve rendant le chemin plus léger. Après une descente dans un trou boueux de
quelques centaines de m pour couper les lacets, nous faisons route vers
Villelongue, première base vie. Après 23
heures nous apercevons les lumières de la ville, mais le chemin en dévers qui
alterne poussière et petits passages rocheux mobilise toute notre attention.
Enfin nous trottinons dans les rues du village endormi.
Nous arrivons une
petite demi-heure avant la barrière horaire de minuit ! Cela fait court
pour se refaire une beauté et profiter du buffet garni. Nous disposons
finalement d’une ½ h de rab. Nous restons donc environ une heure et repartons
changés, massés et nourris, des hommes neufs prêts à en découdre avec le D+.
Cela tombe bien, tout ce que nous avons descendu, nous
allons le remonter de l’autre côté de la vallée : environ 17 km et 1800 de
D+, direction le pic du Cabaliros, avec étape avant les 700 derniers mètres.
Sébastien décide de faire une pause, je poursuis seul
et rattrape les deux compères une vingtaine de minutes plus tard. Nous arrivons
sur le début des pentes du Cabaliros en plein brouillard (c’était déjà le cas
de jour lors de ma reconnaissance quelques semaines plus tôt, plutôt rude comme
coin !). Même si le balisage est remarquable, le brouillard est tel que le
trail se transforme en une chasse à la rubalise réfléchissante : par là
les gars (les filles ont un sens de l’orientation naturel), j’en ai une !
Le chemin semble redescendre vers la droite mais il y a un
sommet à gauche, est-ce le Cabaliros ? Difficile de savoir dans le brouillard
quel est le pic le plus élevé. En jardinant un peu nous finissons par tomber
sur une tente à quelques dizaines de m du sommet et réveiller le bénévole,
emmitouflé dans un duvet, chargé du pointage (pas sûr qu’il choisisse le même
poste l’année prochaine). Il est environ 3H, 20 heures de course, et une longue
descente nous attend, 1400 de D- sur 11 km. Nous sommes à mi-parcours, Jacques
m’avait dit, « si tu atteints le Cabaliros en ayant gardé de la fraîcheur
physique, c’est gagné ! » . Le Cabaliros on y est, la motivation est
au top, mais on est quand même un peu faisandés !.
Dans la descente vers Cauterets (plus de 1300 de D-), c’est
le cimetière des éléphants, nombre de concurrents ont décidé de ne pas faire un
pas de plus sans prendre un peu de repos. Les plus avisés ont sorti ponchos et
couvertures de survie, d’autre se sont juste écroulés comme des masses,
couverts de leur polaire. Je n’imagine pas le redémarrage.
Le jour se lève et nous arrivons dans les rue à peine
éveillées de Cauterets sous les regards interrogateurs des promeneurs
matutinaux. Le ravito lui-même semble sortir de sa léthargie, même si un
trailer italien trouve inadmissible de ne pas trouver de bière pour faciliter
sa digestion, ben oui 7h du mat je prends un Kro et une Camel !
Même au ralenti on refait le plein se restaure et on file.
En quittant on passe devant les thermes qui semblent tout droit sorti d’Astérix
et Obélix, on abandonne l’idée du jacuzzi fumant et on emprunte un petit chemin
forestier. La grimpette est un peu rude pour un réveil musculaire sur ce chemin
rural de la reine Hortense. C’est parti
pour 100 m de D+, au petit chemin succède une piste forestière puis des près
clairsemés de pins et c’est la dernière pente vers le col de Riou.
On quitte le GR pour descendre la Belle Bleue et rejoindre
Luz Ardiden. De là petite variante pour couper les lacets de la route qui a
fait les grandes heures du Tour de France. Petit extrait du road-book :
« Du
parking, prendre derrière le téléski du jardin d'enfant et descendre dans le
ravin raide qui suit. Une sente part à droite et fait un zig zag pour rejoindre
une bergerie. Avant de rejoindre celle-ci, descendre tout droit dans le
pré ». On descend comme on peut dans une ravine pourrie plus faite
pour des sabots de chèvres que des pieds de trailers fourbus. On finit par
retrouver des voies plus carrossables et atteindre le charmant petit village de
Grust sous un joli soleil ! Sa fontaine est une bénédiction.
On rejoint la départementale après avoir traversé Sazos et
on remonte vers Saligos puis continuons sur des petites routes jusqu’à la
seconde base vie d’Esquièze-Sère (km 120).
Belle pause d’une heure avec massage (j’ai dû dormir
quelques minutes sur la table), petite toilette et un plein de nourriture.
C’est un peu la cour des miracles ces ravitos avec des coureurs(es) posés un
peu partout, des sachets et des boîtes vides, des pansements des tee-shirts et
des chaussettes pantelantes. Vite ( !) on repart vers le Château Sainte
Marie et un peu plus loin (11 km et quelques coups de cul) Tournaboup (La
Mongie; encore une fontaine à l’eau fraîche et revitalisante.
On avance inexorablement vers le fond de la vallée en
passant d’un flanc à l’autre par de petits villages aux rues pavées, accrochés
à la pente. A noter le petit sentier lumineux qui mène à Viella (un bouton au
départ donne environ 1/2h d’éclairage).
Le ciel se couvre et nous arrivons avec la pluie à
Tournaboup, du coup ça caille. Le ravito abrite aussi les concurrents du 80 et
sous la pluie c’est un peu la bousculade les pieds dans la boue. On fait donc
fissa : une soupe et ça repart.
C’est la dernière grosse difficulté (en montée), un peu plus
de 1000 m de D+ sur 8 km. Un joli souvenir de la reconnaissance : un
chemin entre les rochers et les pins qui arrive sur des paliers verdoyants
baignés de laquets (vous entendez les oiseaux ?). Bon retour à la réalité,
il pleut on est dans la brume avec 130 bornes dans les pattes et on progresse
comme des automates et pour rallier les différents paliers il faut se cogner de
sacrés marches, donc c’est dur, très dur.
Un peu avant sur le petit chemin de
prairie on se fait doubler par un puis deux, puis trois concurrents qui
trottinent. Le sang d’Olivier, qui marche en tête, ne fait qu’un tour, il
accélère bien décidé à garder notre position. Nous finissons par découvrir,
avant d’exploser, que ce sont des concurrents du parcours de 80 ! Arrivés
à la Cabane d’Aygues-Cluses, il ne reste plus qu’un tout droit dans la pente et
de courts lacets dans la rocaille jusqu’au col de Barèges que l’on ne distingue
pas tant la brume est épaisse. On serre les dents et on avale la pente pas à
pas avec cette pénible impression de soulever des enclumes. Et le col finit par
arriver et nous apporte une petite bouffée d’euphorie.
On commence à y croire sérieusement, il ne nous reste plus
que 20 km, une longue descente de 1700 m, interrompue par une bosse de 400 m de
D+.
D’autant qu’elle est interrompue par le dernier ravito, le
restaurant Merlans où nous avions fait halte la veille. Un petit stop le temps
d’enfiler les frontales et c’est reparti.
Du col, on replonge tout droit vers Vieille-Aure, il reste 12 km et 1400 de D-.
D’abord droit dans la piste rouge, c’est escarpé et la bruine n’arrange pas les choses. Il me manque une bonne paire d’essuies glaces sur les carreaux. Enfin on devine le départ des télécabines. Il reste 7 km et 800 D- !
La descente reprend sur une piste forestière puis emprunte des sentiers VTT et de petits chemins au milieu des pins.
Faisant équipe avec des concurrents du 80, on a bien du mal
à garder le rythme insensé de 8 km/h tant nos jambes sont roides. Enfin Il ne vous reste
plus qu’à suivre le chemin que vous avez pris il y a quelques heures pour
rejoindre l’arrivée à Vielle Aure. !!!! [extrait du road-book]
Arrivés sur la route, nous apercevons les lumières de Vieille
Aure. Un coup d’œil à la montre, nous nous consultons ; oui il nous reste
¼ d’h avec la 41ème heure, cela devrait le faire . Alors nous relançons la machine pour finir au trot et arriver sous les hourra de la foule. La ligne passée nous nous trouvons un peu hébétés, un tee-shirt dans les mains et lourds de toute la tension qui retombe. Arnaud et là pour nous accueillir et la bière clope que nous partageons est un vrai bonheur. Clopin clopan nous regagnons notre chambre les jambes en feu et la tête pleine du beau voyage que nous venons de faire.