vendredi 28 octobre 2011

L’Endurance Trail du Festival des Templiers.


Millau, Aveyron, France, 21/10/2011, Par Seb Trublin

Depuis tout petit j’aime bien me déguiser, je ne sais pas pourquoi mais c’est comme ça.
Alors quand on m’a dit qu’il existait la course des Templiers je me suis dit chouette, monte au grenier chercher ta panoplie de chevalier et inscris toi.
C’est ce que j’ai fait…. Mais quand j’ai vu le parcours de 106km avec 4500m de D+ à travers les Causses, j’ai laissé tomber  la côte de maille, le casque, le bouclier et l’épée…et j’ai sorti le sac à eau, le sifflet, la couverture de survie et les Salomon™ , beaucoup plus adaptés pour mener à bien cette croisade !

20 octobre c’est le jour du grand départ, direction l’aventure, les paysages à couper le souffle, la douleur à couper les jambes ?, le plaisir !!!.
Tiens d’ailleurs, «  le plaisir est-il décuplé par la douleur ? » :  ce fut l’un des sujets du bac philo pour les élèves de terminale S…M.
Et plutôt que de cogiter des heures interminables dans une salle de classe surchauffée par les rayons d’un soleil de fin de printemps caniculaire, nous (Nabil El Mansouri, Eric Chupin, Yann Verlynde, Guillaume Dupré, Edgar Simon, Henri Pouget, JF Magne et moi), les représentants de la section running de l’AS Groupe SFR (une section dynamique, pleine de vie et de gens sympa, tout ça pour seulement 60€ par an douches incluses, inscrivez-vous, il n’est jamais trop tard), sommes allés nous rendre compte sur place si la théorie était confirmée par la pratique.

Le sujet étant énoncé, il faudra bien ces 106km, 4500mD+ et une bonne journée de course pour poser sa réflexion et argumenter sa dissertation. (Pour ceux qui étaient au fond de la classe vous pouvez  sécher  le cours et aller tout droit à l’essentiel en bas de page):

 Cours de philosophie (et d’ultra trail)
(Honteusement pompé sur Wikipédia :
et amendé à ma sauce :-). De là à dire qu’entre course à pied et philosophie il n’y a qu’un pas…:
« La sensibilité, nous l'avons vu, est la faculté d'éprouver du plaisir et de la douleur. Qu'est-ce donc que le plaisir et la douleur? On ne saurait donner à cette question une réponse parfaite. On peut seulement déterminer les caractères du plaisir et de la douleur, et en chercher les causes.
Ces états de conscience présentent trois caractères essentiels:
1. Le plaisir et la douleur sont des phénomènes affectifs, c'est-à-dire se produisent en nous sans que nous intervenions. Quand nous les éprouvons nous sommes passifs. Il n'y a pas, à vrai dire, d'absolue passivité dans la vie psychologique. Nous réagissons bien soit pour affaiblir la douleur, soit pour augmenter le plaisir, mais la passivité n'en prédomine pas moins dans les faits de ce genre. (et pour faire l’inverse il faut être inscrit à l’AS Running)
2. Le second caractère de ces faits est leur nécessité. Ils se produisent fatalement. Nous ne pouvons les empêcher de naître. Ils sont la conséquence nécessaire d'un évènement antérieur: nous ne pouvons les modifier qu'en modifiant l'évènement qui les a causés. (ou en souscrivant une assurance annulation lors de son inscription en ligne).
Cependant par la volonté, nous pouvons détourner le regard de notre conscience du plaisir ou de la douleur, ou les rendre plus intenses en fixant sur eux notre attention; nous pouvons trouver dans la douleur même des plaisirs très délicats: la mélancolie (ou le trail) par exemple; mais malgré ces différentes influences que nous avons sur ces sentiments, nous n'en sommes jamais maîtres absolus. C'est là l'illusion des stoïciens et des épicuriens, qui ont cru pouvoir par la seule volonté, supprimer la douleur. (effectivement nous avons essayé, après le 100e km  ça ne fonctionne plus…)
3. Le troisième caractère de ces sentiments est la relativité. Tout ce qui est sensible est relatif, ce qui est plaisir pour l'un est douleur pour l'autre(cf  « la crampe » dans Pulp Fiction…). L'homme qui s'est livré aux travaux manuels y trouve toutes ses joies. L'homme qui a vécu dans les exercices intellectuels ne voit dans les travaux du corps qu'une fatigue, une souffrance. (tout à fait :  Le traileur érudit type de la section running pense au bout du 80e km  qu’il faut être demeuré pour s’embarquer dans des courses pareilles, mais après le franchissement de la ligne d’arrivée, sous le joug de l’endorphine et du plaisir du défi relevé, ledit traileur n’a qu’une envie : y retourner)
Passivité, Nécessité, Relativité sont donc les trois caractères des phénomènes affectifs (Et de l’ultra trail).
Cherchons maintenant leur cause. Suivant certains philosophes le plaisir ne consiste que dans l'absence de la douleur. On ne peut avoir de plaisir sans connaître la douleur; ce sont deux ennemis, et l'on ne peut pourtant avoir l'un sans l'autre. C'était déjà l'opinion de Platon. [Note: Phédon]. Plus récemment, Schopenhauer a repris cette thèse dans l'ouvrage Le monde comme volonté et représentation. La douleur est suivant lui le fait positif, primitif. Le plaisir est seulement sa cessation. En effet dit-il, pour éprouver du plaisir à posséder quelque chose - par exemple, il faut commencer par avoir désiré ce quelque chose, par avoir trouvé qu'il nous manquait. Or ce manque est douloureux: le plaisir sort donc de la douleur. (voilà, c’est ça :  pour bien apprécier l’ultratrail, faut d’abord commencer par avoir ultra mal aux quadris)
Cette doctrine a de tristes conséquences: si le plaisir n'est que l'absence de la douleur, s'il nous faut acheter la moindre jouissance par une souffrance préalable, la vie est bien sombre, et il ne vaut guère la peine de rechercher ce plaisir qu'il faut pour ainsi dire payer comptant. A tout le moins la vie serait elle indifférente. Mais le plaisir compense-t-il même exactement la douleur? Egale-t-il les souffrances supportées pour l'obtenir? Schopenhauer croit que non. La vie vaut-elle dès lors la peine d'être vécue? Le philosophe allemand, fidèle à la logique, n'hésite pas à répondre: Non. (Faut quand même pas pousser, bon, à sa décharge ils n’avaient pas de runnings au 19e siècle, Schopenhauer n’a donc pas pu faire de trail, donc pas pu trouver de plaisir, donc trouver que la vie ne vaut pas d’être vécue…CQFD)
D'après une autre doctrine, la cause du plaisir serait dans la libre activité. […]Voici cette théorie: Nous jouissons quand notre activité se déploie librement. Nous souffrons quand elle est comprimée. (et dans le trail, perdus au milieu de nulle part, en pleine nature, on jouit vraiment d’un sentiment de liberté !) Où trouver en effet une cause de plaisir, sinon dans la liberté? Le plaisir de l'être c'est son action propre, [Greek phrase]. Cette théorie d'ailleurs explique fort bien la plupart des faits. Les exercices musculaires (comme le trail), les couleurs brillantes (comme celles de mes chaussures de trail), les études (comme la préparation du roadbook), les plaisirs intellectuels (comme lire le magazine Ultrafondus) nous plaisent parce que nos divers modes d'activité y trouvent leur déploiement. Il est donc certain que l'activité libre est au moins la principale cause du plaisir (donc trail=plaisir).
Mais est-ce la seule? La théorie précédente ne rend pas compte de la douleur qu'on éprouve après une grande dépense d'activité dirigé toujours dans le même sens (comme monter 400mD+, descendre 300mD-, monter 350D+, descendre 400 D-, monter 450D+,…). Pas plus qu'au commencement l'activité ne rencontre pourtant d'obstacle. C'est que pour produire le plaisir l'activité doit être encore non seulement libre, mais variée (monter, descendre, monter, descendre, monter descendre,…); il faut pour être agréable qu'elle change de forme (forêt, pierrier, montagne, village pittoresque,...). Cela seul explique le vif plaisir reconnu de tout temps et causé par le pur changement. En outre, cela explique le plaisir qu'on éprouve au repos, dans l'inaction (autrement dit la récup’): l'activité alors n'a pas encore pris de forme. Aussi dans l'imagination, elle semble pouvoir en prendre une infinité, et c'est justement cette variété qui fait le plaisir de l'inaction (Ok, mais à un moment faut quand même y aller ! sinon on termine en jogging devant téléfoot…). […]
La libre activité et la variété sont donc les deux causes du plaisir (Sans oublier  le trail). »
Stuart Mill. Philosophy of Hamilton. Chap. XXV
Hamilton's Lectures (où sont écrites et développées les théories d'Aristote et de Platon) II, Lect. XLIII
Bouillier. Du plaisir et de la douleur.
Aristote. Morale à Nicomaque, Livre X.
Platon. Phédon, [title unclear], Philèbe.



En conclusion donc, nous nous accordons tous à dire que :
  •          La nuit, le départ à 4h du matin par 1°C c’est tôt, qu’il fait tout noir et qu’il fait froid.
  •          Que nous étions venus pour relever un défi : franchir la barre symbolique des 100km.
  •          Que nous savions que ce serait difficile.
  •          Que l’ultra des templiers ça se mérite.
  •          Que les Cévennes sont magnifiques.
  •          Que les Causses sont somptueux.
  •          Que nous n’avons pas été déçus !
  •          Que nous avons trouvé ce nous étions venus chercher…


Cet Ultra nous aura également rappelé que l’humilité est la première des qualités dont il faut faire preuve en trail :
Chacun de nous est passé par des moments (très) difficiles et a dû aller chercher des ressources au plus profond de lui pour continuer d’avancer : je pense à Yann qui, blessé au 30e km, a continué jusqu’au bout à la force de la volonté, à Eric qui aurait voulu continuer mais s’est fait rattraper au 83e km par la barrière horaire, à Henri complètement hagard au dernier ravito du 98ekm mais qui repart et nous autres Jeff, Guillaume, Edgar et moi pris de doutes dans les portions interminables du parcours entre le 83e et le 98e km…).
Pour autant ces turpitudes demeurent bien peu de chose face à l’esprit d’équipe dont chacun a pu faire preuve, face à  la beauté et à l’immensité des paysages, face  à l’expérience humaine que représente un tel défi !
Finalement le détournement fantaisiste des théories philosophiques ci-dessus n’est peut-être pas si loin de la vérité que cela et mérite peut-être relu avec attention  ;-)
Car si le plaisir est décuplé par la douleur, si c’est dans la difficulté que l’on reconnait ses vrais amis,  c’est dans l’ultratrail que l’on sait sur qui l’on peut compter !
AS Running SFR : accélérateur d’émotions !

Classement
Nom Prénom
Temps
42
EL MANSOURI Nabil
15:18:42
119
MAGNE Jean-François
17:57:08
118
TRUBLIN Sébastien
17:57:08
295
DUPRE Guillaume
20:29:52
296
VERLYNDE Yann
20:29:53
308
SIMON Edgard
20:39:29
309
POUGET Henri
20:39:31
non classé
CHUPIN Eric
11:53:19 de course