Samedi 04 décembre, 14h14, gare de Rennes. Départ pour Saint Etienne, où nous attend la SaintéLyon. Un des monuments du trail en France.
Au menu de notre nuit à venir : un départ à 0h00, pour un trail de 68 kms, entre Saint Etienne et Lyon. 1300m de dénivelé positif, 1700m de dénivelé négatif.
Moitié du parcours sur chemins, l’autre moitié sur route. De quoi s’occuper !
Nous partons à 4 (Yann, Sam, Jean Marc et moi). L’idée de s’inscrire nous est venue (grâce à Yann) l’été dernier. Avec l’envie de partager une aventure ensemble, et de s’aligner sur une course réputée, « à faire une fois dans sa vie », comme ils disent, dans les revues. Sam et Yann ont l’habitude de ces efforts au long cours. Pour Jean Marc et moi, c’est le saut dans l’inconnu. Le vrai.
Le voyage jusqu’à Lyon se passe bien. L’ambiance est bonne, comme d’habitude, plutôt à la rigolade, même si les premières questions liées à la météo qui nous attend cette nuit commencent à poindre : nous savons depuis cette semaine que nous aurons jusqu’à 40 cms de neige par endroit, mais la grosse interrogation porte sur les températures attendues...
Entre -3°C et… -17°C selon les sites. De quoi ne pas faire les fiers...
Arrivée à Lyon, embarquement pour le train vers Saint Etienne : le TGV est bourré de coureurs, et les discussions entre nous commencent à se faire plus rares... Quelques échanges sur les allures et les objectifs. Jean-Marc et moi partions pour 8h / 8h30 en temps normal : pour le coup, on se dit que l’objectif sera de finir. Sans trop d’encombres tant qu’à faire, et surtout sans se fixer de grandes prétentions chronométriques.
Saint Etienne : nous y voilà.
Brice et Loris nous attendent pour nous emmener jusqu’au Parc des Expos de Saint Etienne : de précieuses minutes de gagnées !
20h00 : nous démarrons l’attente pour les dossards. Un monde fou (en comptant toutes les épreuves, c’est 11 000 personnes qui sont attendues cette nuit, dont 5700 sur l’épreuve reine, le raid solo de 68 kms). Direction ensuite la pasta party, puis nous nous habillons.
Le froid est là, la pression monte d’un cran, vérifier, re-vérifier son équipement, ses ravitaillements, remplir ses bidons, aller quinze fois aux toilettes.
H-20 minutes, direction la ligne. Il fait froid, nuit... Et une broutille de promenade en plein air de pas loin de 70 bornes qui nous attend... «Non, mais franchement, qu’est ce que je fais là ?!?»
A 1 minute du départ, derniers encouragements entre nous. Cette édition 2010 de la SaintéLyon s’annonce comme exceptionnelle de par les conditions météo dantesques dans lesquelles elle va se courir : on a l’impression de vivre un truc à part.
Mélange d’appréhension, de soif d’en découdre, de fierté d’être là.
TOP DEPART
5 700 personnes qui franchissent la ligne en s’encourageant. Impressionnant.
Nous partons tous les 5 (les 4 bretons et Loris, l’ami stéphanois de Sam). Yann part plus vite que nous, sans surprise, et au bout d’un kilomètre nous restons à 4. La route commence à s’élever. Un panneau nous indique qu’il fait -8°. En ville… ça promet du plus froid sur les crêtes.
Loris et Sam restent un peu en retrait, Jean-Marc et moi continuons tous les deux.
Les premiers kilomètres de course me permettent d’enlever la petite boule au ventre qui me tient depuis 23h, et de retrouver des sensations de coureur à pieds. Je freine un peu Jean-Marc : pas plus de 11 km/h sur le plat, on ralentit l’allure quand ça monte. Il faut absolument en garder pour jusqu’à demain matin, la nuit s’annonce longue.
On décide de la faire tous les 2, cette SaintéLyon. Quoiqu’il arrive.
8ème kilomètre : les premiers chemins arrivent. Des passages avec de la poudreuse jusqu’aux genoux, où il est impossible de courir, qui s’enchaînent avec des descentes, techniques, mais plutôt agréables dans la neige. Une vue magnifique sur le serpentin lumineux des frontales qui s’étend sur les crêtes des collines que nous traversons. On prend le temps d’en profiter… Ca y est, on est bien, heureux d’être là !
Premier ravitaillement à St Christo au bout d‘1h40. Jean-Marc doit s’arrêter en express faire le plein en eau (côté bouffe, il a 2 bonnes semaines d’autonomie :-), mais il est un peu juste en liquide), et on se perd de vue bêtement dans la tente.
Ca nous fait perdre quelques minutes, on repart. Le froid est saisissant après un arrêt de rien du tout : c’est décidé, nos pauses aux ravitaillements cette nuit seront les plus courtes possibles.
Passage au point culminant au 22ème km. C’est bon pour le moral, on tient un 9 km/h de moyenne, et les jambes répondent bien. Les passages où la marche s’impose (trop de neige pour courir, inutile de se griller les cuisses pour tenter de gagner 30 secondes sur un passage complètement impraticable), et où la route est la bienvenue pour les relances, s’enchaînent.
Arrivée à Ste Catherine en un peu plus de 3h pour 27 kms. Tout va bien.
On va attaquer la portion qu’ont empruntés en début de nuit les quelques milliers de participants à la version courte de la SaintéLyon (la SaintExpress). On espère qu’ils auront dégagé un peu les chemins, et que nous aurons moins de neige...
Arrêt éclair une nouvelle fois, on décide de rejoindre le ravitaillement suivant, à mi course, pour refaire le plein en eau. De mon côté, je suis parti avec 60 cl d’eau et 60 cl de boisson énergétique : il m’en reste, ça devrait tenir.
Au départ de Sainte Catherine, belle montée pour aller chercher la crête, et basculer sur St Genoux. Aux premiers passages sur les routes, on se rend compte que la principale difficulté a changé de nature : de poudreuse, le danger s’est transformé en verglas. 8000 pieds qui dament de la neige par -10°C, ça dégage la poudreuse, c’est sûr, mais ça fait surtout... une patinoire ! Les chemins en sous bois et les petites routes sont impraticables : 4 gamelles pour moi sur cette portion, dont un magnifique triple axel boucle piquée, avec plat sur le dos, en pleine descente. A faire pâlir d’envie Brian Joubert, au moins en note artistique !
On voit quelques concurrents pris en charge par les secours : il va falloir être lucide jusqu’au bout, à chaque pas. Hors de question de relâcher l’attention, ou ça peut être le retour à Lyon en bus...
La moyenne s’en ressent : 1h10 pour faire les 10 kms depuis Ste Catherine jusqu’à St Genoux (bien nommé ce patelin). Arrêt au ravitaillement : bidons, vérification que tout est toujours en place dans le sac à dos après les chutes, que je n’y ai pas laissé trop de côtes flottantes... C’est tout bon, ça repart.
Place à la descente, ou du moins au Super Géant, pour arriver 1 heure après au ravito de Soucieu. Passage du marathon en 4h50, sans fatigue. Sans connaître non plus ce qui se passe après le 42ème km. Il est maintenant, le saut dans l’inconnu...
Voilà maintenant 5h15 qu’on court. On repart de Soucieu : ni mal aux jambes, ni coup de mou. On continue à discuter, on est bien, heureux d’être là. Ca rigole, ça chambre, on commence à se dire que oui, on va la finir, cette SaintéLyon.
Sauf accident, on y sera, à l’arrivée !
Jean-Marc commence à me dire que les 8h sont atteignables... Je ne préfère pas m’emballer : il nous en reste encore 23, des bornes, et quelques belles bosses. On reste sur la même moyenne, qui a baissé un peu : on ralentit à chaque virage, chaque portion de chemin.
Trop peur de se gameller.
La tactique de course, elle aussi, reste la même : je régule les parties roulantes («Pas plus de 11, on gère»), et Jean-Marc les montées (en marchant, en essayant de tenir les 6 km/h de moyenne : les côtes, ici, c’est un joyeux mélange de cailloux, de boues, de glace. On ne s’enflamme pas !).
Les dernières difficultés s’enchaînent, tout se passe bien. Le dernier ravitaillement est là.
Brice, le frère de Loris, nous y attend : ça fait du bien au moral, ça commence à sentir bon.
Encore 11 bornes, et on y sera !
Passage au ravitaillement un peu plus long que d’habitude (peut être pour profiter du moment : c’est le dernier !). Les 8 heures sont toujours dans la tête de Jean Marc (6h55 au passage du panneau des 10 kilomètres).
On ne va rien lâcher, c’est sûr. Pas maintenant... Passée la dernière ENOOORME bosse (1,5 km, avec un passage à 20%), et sa sœurette la descente (aïe, elle fait mal celle là…), c’est l’arrivée sur les quais de Saône.
Passage du panneau des 5 kms et, devant nos yeux, le programme des derniers kilomètres : une gigantesque ligne droite (pas loin de 3 kms), verglacée, avec un vent de face aux rafales à plus de 50 km/h sans doute. L’horreur. Pas d’équilibre, aucun appui, et du vent glacial dans le nez : il va falloir qu’on se fasse mal jusqu’au bout...
Les 2 derniers kilomètres sont là. On finit au train, on profite. 500m, 200m, 100m, 50m : on rentre dans le palais des sports de Gerland, on y est, c’est fait. 8h01’38’’ au chrono. 630ème et 631ème place !
On franchit la ligne d’arrivée main dans la main, heureux.
C’est vraiment pour vivre ces instants qu’on aime ce sport.
Le retour à Rennes sera plutôt calme, franchement détendu. On profite, c’est que du bonheur.
Et la discussion avant d’arriver en Bretagne portera naturellement sur… la prochaine course à faire ensemble !
Enorme merci à Brice, Loris et Mylène de leur accueil tout au long de ce week-end : la logistique, les encouragements avant, pendant, après, le steak haché / spaghettis / petits gâteaux tout secs du dimanche : tout était parfait !
Merci à tous pour vos encouragements, et en particulier à ma supportrice du quotidien, qui me « supporte », dans tous les sens du terme, moi et mes idées de week-end un peu saugrenues.
Et merci à vous 3, Yann, Sam, Jean-Marc : pour le plaisir de faire du sport ensemble, pour les entraînements passés, pour les courses qu’on a déjà eu l’occasion de partager, et… pour toutes celles à venir !
Arnaud
Nom | Place | Temps | Vitesse moy |
LEBEAU, Jérôme | 452 | 07:44:00 | |
BERNIER, Arnaud | 637 | 08:03:47 | |
DEVILLE, Damien | 776 | 08:16:00 | |
BODIN, Gilles | 893 | 08:25:00 | |
KAHN, Sebastien | 1819 | 09:24:00 | |
MOLLARET, Brice | 1892 | 09:29:00 |